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SOUS-MARIN. La confrontation sous-marine au cœur du bras de fer sino-américain

Posté le samedi 02 octobre 2021
SOUS-MARIN. La confrontation sous-marine au cœur du bras de fer sino-américain

Reculer d’un pas, pour mieux frapper l’adversaire.

L’Administration Biden fait sienne les méthodes du kung-fu pour contrer la montée en puissance de la Marine chinoise dans le Pacifique. En scellant le pacte trilatéral Aukus, avec l’Australie et le Royaume-Uni, Joe Biden offre une nouvelle plateforme de projection à l’US Navy, à l’abri des missiles balistiques « tueurs de porte-avions » de l’Armée populaire de libération (APL).

Le redoutable DF23, testé en mer de Chine du Sud l’an dernier, fait planer la menace sur les navires américains dans ces eaux disputées, et leur base de Guam, située à 3 000 km des côtes du Fujian, mais il ne peut atteindre celle de la Marine australienne à Stirling, près de Perth, en Australie-Occidentale, à plus de 6 000 km de la République populaire. Ce site, ainsi que Darwin et une nouvelle base sur la côte orientale de l’Océanie devraient accueillir les huit sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SNA) promis par l’Amérique, torpillant au passage le contrat des submersibles français conventionnels Barracuda.

Si les futurs SNA battront pavillon australien à l’horizon 2040, le pacte offre déjà une base arrière précieuse à l’US Navy, qui gardera la main sur la technologie, formera et constituera en partie les équipages et pourrait même y dépêcher des submersibles « en location », en attendant la livraison des premiers navires, selon le ministre des Finances Simon Birmingham. Après avoir installé les marines à Darwin, sous Barack Obama, les États-Unis étendent ainsi discrètement leur empreinte militaire en Océanie, plus stratégique que jamais face au renforcement spectaculaire de la Marine chinoise, dont le nombre de navire de surface dépasse désormais ceux de l’US Navy.

En enrôlant Canberra dans sa coalition, Biden fait coup double face à Pékin : il ajoute au spectre de l’encerclement diplomatique, la menace des profondeurs, alors que la lutte sous-marine devient le fer de lance de sa stratégie d’endiguement, en mer de Chine, comme au large de Taïwan. Ce changement de braquet, marqué par le partage de la technologie de propulsion atomique, sans précédent depuis 1958, réplique à la stratégie de « déni d’accès » que tente d’imposer l’APL à sa rivale dans la zone océanique filant de la Corée, à Taïwan, jusqu’aux Philippines, et à la mer du Chine du Sud.

« La fin de l’évidence de la supériorité aéronavale américaine à l’intérieur du premier chaînon d’îles contraint les États-Unis à penser la disposition de leurs forces dans un périmètre plus large, à l’abri des missiles balistiques chinois, d’où l’importance de l’Australie », explique Mathieu Duchâtel, dans une note de l’Institut Montaigne. « Mais aussi à accumuler les systèmes qui permettront de pénétrer un environnement qui sera de plus en plus saturé de systèmes de défense chinois, d’où l’importance des SNA », ajoute ce spécialiste des questions maritimes.

Suprématie navale 

Alors que Pékin comble son retard en matière de navires de surface, le Pentagone accélère la lutte anti-sous-marine, talon d’Achille du géant renaissant afin de prévenir sa suprématie navale dans les parages de Taïwan. « La guerre sous-marine est l’une des faiblesses de l’APL », selon Zhao Tong, chercheur au Carnegie-Tsinghua centre, à Pékin, mais la seconde économie mondiale redouble d’effort en la matière. « Les sous-marins nucléaires d’Australie vont compliquer la vie de l’APL, grâce à leur plus grande autonomie, et leur discrétion, permettant des missions de longue durée vers Taïwan, ou en mer de Chine méridionale, ajoutant une menace supplémentaire à ceux de l’US Navy », juge Collin Koh, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies, à Singapour. L’ancienne Formose serait hors de portée d’un sous-marin conventionnel basé à Perth, selon des estimations de 2013, alors qu’un SNA pourrait y opérer plus de 70 jours, menant des missions de combat, d’escorte, ou d’attaque contre des navires, ou des cibles à terre, grâce aux missiles embarqués, sans doute Tomahawk. Un atout clé en cas de conflit. L’Aukus inclut également une coopération en matière de drones et robots sous-marins, nouvelle frontière de la guerre des profondeurs.

Mais l’accord trilatéral annoncé en fanfare, dont la mise en œuvre doit encore être négociée, prendra des années à devenir réalité en mer, laissant à Pékin l’espace pour combler son retard. « L’APL fait déjà beaucoup pour combler ses lacunes, et l’Aukus va encore stimuler sa détermination », juge Zhao. Dans les chantiers navals de Huludao, un sous-marin nucléaire est construit tous les 15 mois, et à ce rythme, la Chine disposera de 13 SNA opérationnels en 2030 selon Duchâtel. À cet horizon, le nombre total de submersibles aura dépassé celui de l’US Navy, prédit Naval News, un site spécialisé.
Le match du siècle se joue aussi dans les grands fonds.

 


Sébastien FALLETTI
Source origine : Le Figaro
29 septembre 2021

Source photo : Ministère des Armées
 


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Source : www.asafrance.fr

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